Le découpage
Il s’agit ensuite de faire un découpage précis qui corresponde à la pagination finale voulue : en général 46 planches pour un album standard. Pour cela je « pèse » chaque séquence et je lui affecte un nombre de planches données. C’est une méthode efficace pour contourner une contrainte – et une difficulté – inhérente à la BD : faire exactement tenir une histoire dans un nombre donné de pages, en la répartissant bien pour ne pas se trouver confronté au problème insoluble (sauf à tout reprendre depuis le début) de l’insuffisance de place pour la finir correctement.
Quand j’ai achevé le synopsis, il représente entre quatre et huit pages. Il faut encore parfois résumer ce document en deux à trois pages pour en faciliter la lecture par le futur éditeur.
Le scénario définitif
Une fois le feu vert donné par l’éditeur, il ne reste plus ensuite qu’à écrire le scénario détaillé pour le dessinateur, case par case, planche par planche, en conformité avec mon découpage, avec à chaque fois, pour chaque case, les indications du décor, des suggestions de cadrage, la description de l’action, et le texte des bulles, bien sûr. Et sans oublier d’essayer de trouver une sorte de chute à la fin de chaque page, qui donne envie au lecteur de passer à la suivante. Ce scénario est un document qui peut faire de cinquante à soixante pages.
Je laisse toujours la possibilité au dessinateur de s’écarter de mes indications de mise en scène s’il estime qu’une autre option soit plus efficace ou corresponde mieux à sa propre vision.
L’importance d’un regard extérieur
Quand on met au point une histoire, il devient assez vite difficile d’avoir suffisamment de recul pour juger impartialement de ses effets. Est-ce que le récit fonctionne bien ? L’intrigue titille-t-elle suffisamment l’intérêt du lecteur ? Très difficile de s’en rendre objectivement compte soi-même… Rien ne vaut pour cela un regard extérieur. Je soumets donc régulièrement mes projets (BD ou romans) à ma fille Charlotte. Elle a une solide formation littéraire, et c’est une lectrice à la critique impitoyable : elle ne laisse rien passer ! Dès qu’elle trouve un point qu’elle juge faible, elle me fait part de ses commentaires sans concession. Elle me conseille parfois de changer certaines directions, de dissiper l’ambiguïté de certaines situations, ou bien d’éviter des ellipses trop marquées, ou alors de condenser certains développements trop longs, ou encore d’apporter ici ou là une précision significative. Ses remarques sont toujours fondées et il est extrêmement rare que je ne me laisse pas convaincre. Depuis quelques années elle s’implique de plus en plus dans la mise au point de mes scénarios en me suggérant des pistes astucieuses, et des séquences auxquelles je n’aurais sans doute pas pensé tout seul. Charlotte mériterait probablement d’apparaître comme co-scénariste ou co-auteur sur les projets qui restent à publier…